Pourquoi ce blog ?

Parce que je pense qu'un témoignage n'est jamais inutile et que plus personne ne parle de cette saloperie...


lundi 15 février 2016

Philadelphia pour se détendre... Il y a mieux, non ?

Aujourd'hui, c'est arrêt maladie de 4 jours... La vaccination contre la grippe n'étant pas aussi efficace que les labos voudraient nous le faire croire, je l'ai quand même chopée... Rien de grave, de la fièvre, le nez qui se transforme en fontaine, deux de tension et envie de dormir tout le temps. Bref, la grippe.

Ne sachant pas quoi faire à part dormir, ne pouvant pas faire grand chose à part larver lamentablement dans mon canapé, je décide de choisir un film pour passer l'après-midi. Je regarde ma vidéothèque "type" (comprendre : les films que je suis capable de regarder plein de fois) et je tombe sur l'exception du "plein de fois" : "Philadelphia".
Oui ce n'est pas très joyeux mais j'avais envie de le voir "en entier" depuis très longtemps. Le "en entier" sera plus clair d'ici quelques lignes.

Effet réussi : c'est une plongée totale dans les années 90, un retour arrière dans ma mémoire, dans ce que j'ai vécu à cette époque avec cette horreur au quotidien, toutes les personnes croisées un jour et mortes le lendemain, les amis qui partent les uns après les autres, mon carnet d'adresses transformé en cimetière, les nouvelles tous les jours plus terrifiantes les unes que les autres. Bref, retour dans les années noires...

Mais je ne vais pas revenir en détail sur ces années, je le ferais sûrement une autre fois, les souvenirs étant tellement bien ancrés dans ma mémoire qu'ils n'auront aucun mal à ressortir sur le papier... Non, je vais juste revenir sur la première fois que j'ai vu ce film, cette première fois pour le moins traumatisante.

C'était en 1993, à sa sortie. Je n'étais pas très chaud pour le voir mais mon patron de l'époque tenait à y aller et m'y invita. C'était dans un petit cinéma du XXème, prêt de Gambetta.

La salle, petite, était composée à 80 % de mecs et 90 % devaient être gays. A l'époque, aller voir ce film relevait un peu de l'acte militant et les hétéros n'étant pas encore totalement conscients de la situation et de la catastrophe que nous vivions n'étaient pas encore disposés à voir ça. Bref, une salle remplie de copines.

Je vous ai déjà parlé précédemment de ma phobie des aiguilles et des hôpitaux (cliquer ici) dans l'un de mes précédents posts, ce qui devait arriver arriva :

Lors de la première consultation d'Andrew (Tom Hanks) à l'hôpital et l'apparition du premier kaposi sur son visage, c'est monté d'un coup, je me suis effondré comme une merde au milieu du cinéma, traduction : je suis tombé dans les pommes dans les 15 premières minutes du film...

Et c'est là que tout s'est compliqué. Effondré au milieu des fauteuils, personne, je dis bien personne, en dehors de mon patron et de sa compagne ne m'a ramassé pour me sortir de là. Seuls, tous les deux, m'ont bougé pour me faire prendre l'air. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de bouger quelqu'un  dans les pommes, c'est juste très compliqué et affreusement lourd (et à l'époque, je ne pesais que 65 kilos, pas les 90 d'aujourd'hui...).

Bref, tout ça pour dire qu'à l'époque, même au milieu d'une salle composée de personnes ayant les mêmes problématiques, les mêmes "attirances", les mêmes idéaux, ne rien faire quand quelqu'un tombe est tout à fait possible. Je n'en veux à personne, je me suis juste dit : "C'est fort quand même. Ce n'était certes qu'un malaise, un simple petit malaise, mais si cela avait été plus grave cela aurait été pareil..."

Je n'ai jamais pu revenir dans la salle pour voir la fin du film, impossible pour moi de me retrouver devant l'écran. L'ouvreuse m'a alors proposé d'aller voir un autre film, en l’occurrence, il s'agissait de Sister Act 2 (il est beaucoup plus difficile de tomber dans les pommes en regardant Whoopi Goldberg...). 

Il m'a fallut toutes ces années pour le revoir, la crainte de retomber étant toujours présente mais aujourd'hui, je l'ai enfin revu avec un autre œil, avec une autre expérience, avec une vision plus "concernée" qu'à l'époque et les passages à l'hôpital, les examens, les piqûres, les angoisses d'Andrew ont raisonnés tout à fait différemment.

J'ai eu un kaposi au début de ma maladie (cliquer ici) et il est parti très vite (après 1 an de traitement) mais en voyant ceux de l'époque, en réentendant parler du C.M.V. ou Cytomégalovirus, le fameux qui vous rend entre-autre aveugle, je me suis dit que nous avions fait d'énormes progrès et que nous pouvions peut-être avoir la prétention d'être un peu plus optimiste pour la suite.

Voilà donc, en ce premier jour d'arrêt maladie, je me fais "Philadelphia" et finalement, ça m'a fait du bien, beaucoup de bien, bien de se souvenir pour ne pas oublier, bien pour se dire que la situation n'est plus aussi désespérée, bien parce que ce film est un documentaire important sur cette époque trouble que les petits jeunes d'aujourd'hui ont tendance à ignorer ou à mal connaître.

Revoir ce film et voir qu'aujourd'hui, la grande nouveauté est de traiter des gens en bonne santé avec un traitement médicamenteux agressif et onéreux me semble tellement incohérent... Mais je ne reviendrais pas sur ce sujet, je l'ai déjà fait précédemment (cliquer ici).

A tout ceux qui n'ont pas connu cette époque (j'ai l'impression d'être un dinosaure...), à tout ceux qui ont oublié, à tout ceux qui croit que tout est réglé, regardez ce film. C'est important de savoir...